Pourquoi vouloir redoubler
d’intelligence quand l’objet de notre attention est lui-même paresseux ? Le
commentaire emballe désormais l’art aussi bien qu’un paquet cadeau. Et le
spectateur se réjouit de recevoir ce qui finalement fera sa déception. Un dégoût
qu’il n’assume que relativement. Certes, comme tout le monde, il se fait un
avis de l’art, quand bien même c’est d’abord l’avis du voisin. Après tout, pour
sociabiliser, c’est plus pratique. On s’insurge, on s’exalte ensemble.
Cas toutefois exceptionnel, ici,
c’est le premier qui parle qui a raison. Et puisque le premier qui parle est
régulièrement l’artiste lui-même, on trouve peu à ajouter qui nous distingue
joliment.
L’art est fabriqué par des hommes
plus ou moins doués, plus ou moins honnêtes. Mais des hommes toujours. Le reste
revient à la nature. Partant de ce fait indéniable, on peut dire que l’on
trouve autant d’œuvres d’art que d’hommes pour les produire. Ainsi l’art est à
l’image de son créateur et contient ce qu’il est essentiellement, nous l’avons
dit, un Homme, et ce qui fait sa particularité : son éducation, son
quotidien, son entourage, son environnement, sa manière propre d’être au monde.
L’art offre la redécouverte d’éléments somme toute assez courants dans nos
vies. Les sujets vont des plus existentiels ou plus quotidiens. Tout
l’intérêt découle de la manière de les montrer, de les présenter et formuler.
Kundera écrit d’ailleurs dans la Valse aux adieux qu’un artiste est quelqu’un qui revendique le droit de s’exprimer plus que les autres. Pourquoi lui ?
Chacun pourrait déplorer ce droit
dans de nombreux cas, qu’ils soient artistiques, politiques, intellectuels.
Sachons néanmoins que le
commentaire d’art connaît quelques singularités. Quand il ne fait pas dans la
mauvaise poésie, il parle à la première personne. Celle-ci joue l’humilité pour
dissimuler la médiocrité de son oeuvre. Un certain Julien Colombier dont on
peut voir les dernières œuvres, réalisées in
situ, à la galerie Metropolis, vous dirait qu’il peint ses tableaux comme un acte d’appropriation de la réalité. Et vous
vous verriez que sa réalité est bien pauvre. Pour sûr, le petit bonhomme lit
des bandes dessinées s’il n’y est pas seulement sensible. On se demande bien
pourquoi le minon n’en est pas resté là. La bande dessinée existe, avec une
histoire, des dialogues, des oeuvres découlés de l’acharnement des auteurs. Pourquoi
l’appauvrir pour en faire un tableau? La BD est un art. La peinture aussi.
Monsieur est un autodidacte, nous
dit-on. Il est vrai qu’un certain nombre a fait bonne fortune. La naïveté
prétendue des autodidactes n’enlève rien à leur terrible effort, l’effort
requis à qui prétend au droit de s’exprimer plus que les autres : le
travail. L’autodidacte qui fait la différence est celui qui sait formuler
l’intelligence populaire. L’enjeu trouve une plus grande importance à l’heure
de la mondialisation, de la médiatisation qui forme les regards à la chaîne. Impossible
pour lui, de se contenter de la culture commerciale sans y apporter un point de
vue singulier. La simple copie de notre société de consommation pollue les
musées depuis maintenant une cinquantaine d’années. Ce pop éphémère, jetable, tout droit sorti de l’usine, aussi inutile, désagréable et dérisoire qu’il soit,
n’est pas pour autant modique. De la même manière, le marché de l’art profite
encore allègrement des revendications artistiques du Douanier Rousseau et des
Naïfs pour renflouer ses caisses déjà bien remplies.
Colombier n’aurait point renoncé
aux références iconiques de sa jeunesse. On pourrait en dire autant de nombreux
de ses congénères qui pillent leur coffre à jouet pour orner quelques toiles.
Le bandit ajoute qu’il n'est pas curieux de la religion mais, fait singulier, à l’en croire, qu’il est
influencé par les images bibliques. Monsieur, n’êtes-vous pas né dans un pays ponctué d’églises dont
la laïcité certes débattue depuis fort longtemps, n’est effective que depuis
1905 ? Cette apocalypse, ce déluge que vous prétendez voir mentalement ne
sont-ils pas visibles et servis à toutes les sauces au cinéma, à la
télévision ?
En 2012, il est de bon ton de
jouer les prophètes de l’Apocalypse. Julien Colombier est un autodidacte bien
pensant, bien mou.
Auguste Leroux
Auguste Leroux
Julien Colombier - Highlight Park
Galerie Metropolis
16 rue de Montmorency
75003 Paris
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