jeudi 5 avril 2012

Culture Complaisante




Pourquoi vouloir redoubler d’intelligence quand l’objet de notre attention est lui-même paresseux ? Le commentaire emballe désormais l’art aussi bien qu’un paquet cadeau. Et le spectateur se réjouit de recevoir ce qui finalement fera sa déception. Un dégoût qu’il n’assume que relativement. Certes, comme tout le monde, il se fait un avis de l’art, quand bien même c’est d’abord l’avis du voisin. Après tout, pour sociabiliser, c’est plus pratique. On s’insurge, on s’exalte ensemble.

Cas toutefois exceptionnel, ici, c’est le premier qui parle qui a raison. Et puisque le premier qui parle est régulièrement l’artiste lui-même, on trouve peu à ajouter qui nous distingue joliment. 
L’art est fabriqué par des hommes plus ou moins doués, plus ou moins honnêtes. Mais des hommes toujours. Le reste revient à la nature. Partant de ce fait indéniable, on peut dire que l’on trouve autant d’œuvres d’art que d’hommes pour les produire. Ainsi l’art est à l’image de son créateur et contient ce qu’il est essentiellement, nous l’avons dit, un Homme, et ce qui fait sa particularité : son éducation, son quotidien, son entourage, son environnement, sa manière propre d’être au monde. L’art offre la redécouverte d’éléments somme toute assez courants dans nos vies. Les sujets vont des plus existentiels ou plus quotidiens. Tout l’intérêt découle de la manière de les montrer, de les présenter et formuler.


Kundera écrit d’ailleurs dans la Valse aux adieux qu’un artiste est quelqu’un qui revendique le droit de s’exprimer plus que les autres. Pourquoi lui ?
Chacun pourrait déplorer ce droit dans de nombreux cas, qu’ils soient artistiques, politiques, intellectuels.
Sachons néanmoins que le commentaire d’art connaît quelques singularités. Quand il ne fait pas dans la mauvaise poésie, il parle à la première personne. Celle-ci joue l’humilité pour dissimuler la médiocrité de son oeuvre. Un certain Julien Colombier dont on peut voir les dernières œuvres, réalisées in situ, à la galerie Metropolis, vous dirait qu’il peint ses tableaux comme un acte d’appropriation de la réalité. Et vous vous verriez que sa réalité est bien pauvre. Pour sûr, le petit bonhomme lit des bandes dessinées s’il n’y est pas seulement sensible. On se demande bien pourquoi le minon n’en est pas resté là. La bande dessinée existe, avec une histoire, des dialogues, des oeuvres découlés de l’acharnement des auteurs. Pourquoi l’appauvrir pour en faire un tableau? La BD est un art. La peinture aussi.
Monsieur est un autodidacte, nous dit-on. Il est vrai qu’un certain nombre a fait bonne fortune. La naïveté prétendue des autodidactes n’enlève rien à leur terrible effort, l’effort requis à qui prétend au droit de s’exprimer plus que les autres : le travail. L’autodidacte qui fait la différence est celui qui sait formuler l’intelligence populaire. L’enjeu trouve une plus grande importance à l’heure de la mondialisation, de la médiatisation qui forme les regards à la chaîne. Impossible pour lui, de se contenter de la culture commerciale sans y apporter un point de vue singulier. La simple copie de notre société de consommation pollue les musées depuis maintenant une cinquantaine d’années. Ce pop éphémère, jetable, tout droit sorti de l’usine, aussi inutile, désagréable et dérisoire qu’il soit, n’est pas pour autant modique. De la même manière, le marché de l’art profite encore allègrement des revendications artistiques du Douanier Rousseau et des Naïfs pour renflouer ses caisses déjà bien remplies.
Colombier n’aurait point renoncé aux références iconiques de sa jeunesse. On pourrait en dire autant de nombreux de ses congénères qui pillent leur coffre à jouet pour orner quelques toiles.
Le bandit ajoute qu’il n'est pas curieux de la religion mais, fait singulier, à l’en croire, qu’il est influencé par les images bibliques. Monsieur, n’êtes-vous  pas né dans un pays ponctué d’églises dont la laïcité certes débattue depuis fort longtemps, n’est effective que depuis 1905 ? Cette apocalypse, ce déluge que vous prétendez voir mentalement ne sont-ils pas visibles et servis à toutes les sauces au cinéma, à la télévision ?

En 2012, il est de bon ton de jouer les prophètes de l’Apocalypse. Julien Colombier est un autodidacte bien pensant, bien mou.


Auguste Leroux

Julien Colombier - Highlight Park
Galerie Metropolis
16 rue de Montmorency
75003 Paris 
jusqu'au 14 avril 2012





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